un roi sans vanité
Je suis le noir brillant, sans être clinquant.
Comme Zeus, je sais me métamorphoser et, pour séduire, revêtir toutes les formes.
D’un naturel dur, j’incarne pourtant la sensualité.
Qui suis-je ?
Il est le noir parfait.
Lisse et luisant — une touche de piano.
Comme elle, il est aussi ivoire.
À mi-chemin, encore, entre neige et nuit.
J’aime caresser les lèvres et me mêler aux langues. Je les parle toutes.
Pour rencontrer l’inconnu, il n’est meilleur ambassadeur que moi.
Les hommes recherchent mon intensité. Les femmes m’aiment pour ce que je suis.
Rémanence de l’enfance, elles oublient l’amertume en vénérant la mienne.
Il vient du Mexique. En lui demeure le rougeoiement du sang.
Ou du soleil couchant.
Le monde souterrain des morts parle à travers lui.
Il a connu le feu qui le drapa de nuit.
Je suis le puits sacré de la jouissance.
Mon âme fond pour faire fondre les corps.
Celui qui ne m’aime pas est un menteur, dit-on.
Les femmes murmurent qu’elles ont parfois, plus de plaisir avec moi.
Il est le grand consolateur, celui qui comble avant de s’évanouir.
Son empire se moque des frontières.
Il vaut toutes les médailles.
Peut-être parce que la sienne, n’aura jamais la vanité de durer.
Ingrid Astier (Poème inédit, écrit pour Françoise Gillard de La Comédie française et Jacques Genin)
Inconditionnelle du talent de Jacques Genin depuis son premier atelier parisien, rue Saint-Charles, elle est l’auteur des textes de ce site et la plume derrière les noms des chocolats de la maison Jacques Genin.
Le voyage est sa boussole, l’écriture son horizon et les îles (Yeu, Tahiti, Irlande) son aimantation. Son désir de fiction est lié à son enfance au sein de la nature, en Bourgogne, où se mêlent contemplation et action. « Je mange tellement de chocolat que le noir a coulé dans mon encre », dit-elle.
Les sens sont au cœur de ses écrits depuis Cuisine inspirée, l’audace française (2007, Gourmand Awards du livre de cuisine innovant). Fleuves et océans aussi, du roman policier Quai des enfers (Série Noire Gallimard, Grand prix Paul Féval de la Société des Gens de Lettres), hommage à la Seine, à son dernier roman, La Vague (Les Arènes, 2019), ode à la célèbre vague de Teahupo’o. Quant au Petit éloge de la nuit (Gallimard, 2014), adapté au théâtre avec Pierre Richard, l’histoire veut qu’il ait été lancé à la Chocolaterie Jacques Genin de la rue de Turenne. Pierre Richard y lut en avant-première des extraits, accompagné à la guitare par Jb Hanak. Cette lecture, baptisée au chocolat, a donné, six ans après, l’inclassable album musical Nuit à jour (Modulor, 2020).